Ancien élève de l’ENS Ulm et agrégé de philosophie, maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise. Spécialiste de philosophie politique et juridique, Blaise Bachofen est un chercheur orienté vers les théories du contrat social, en particulier chez Rousseau, la pensée de Rousseau en général (il est l’auteur d’une étude sur la pensée politique de J.-J. Rousseau et a coédité de nombreux ouvrages collectifs d’études rousseauistes et des éditions d’œuvres de Rousseau), ainsi que la pensée économique, les questions liées à la guerre et le droit international.
Rousseau avec et contre les Lumières : l’ambivalence de la notion de perfectibilité
La notion de « perfectibilité » est au cœur de l’œuvre de Rousseau. Il s’agit d’un quasi-néologisme : on ne rencontre le terme qu’une fois. Or c’est une notion centrale pour comprendre le rapport complexe que Rousseau entretient avec les Lumières. Rousseau est-il dans le camp de la raison, du progrès, ou dans celui des conservateurs, alors associés aux théologiens ? La reprise du terme de « perfectibilité » par Condorcet illustre l’optimisme historique qui s’élabore au XVIIIe siècle et prolonge cette controverse. Condorcet comprend la « perfectibilité » comme « faculté de se rendre plus parfait ». Or la « perfectibilité », chez Rousseau, a un tout autre sens. C’est la faculté de « perfectionner ses facultés » ; par conséquent, la capacité de développer des savoirs théoriques et techniques… mais aussi l’imagination et les passions, l’amour propre, la mégalomanie, le désir de domination. L’homme « perfectionné », pris en ce sens, n’est en rien plus « parfait » dans l’absolu. Ses facultés, plus actives, peuvent le mener au pire comme au meilleur. L’histoire et l’actualité témoignent du caractère remarquablement prémonitoire de cette anthropologie.